Nazrin s'éveilla doucement d'une courte nuit de sommeil. Elle délaissa son douillet matelas et posa délicatement ses pieds menus sur le sol encore glacé. Un frisson lui parcourut le dos de haut en bas, ses yeux s'ouvrirent un peu plus pour s'habituer à la lumière du jour filtrant au travers des rideaux. Le soleil de printemps s'installait paisiblement, engourdi qu'il était par la rosée et la fraîcheur matinale. La petite youkai serait bien restée un peu plus longtemps sous la couette, mais l'heure tournait déjà et son programme de la journée était on-ne-peut-plus chargé. Elle se leva et prit la direction de la salle de bains.
Sa toilette faite, sa chevelure grisée parfaitement en ordre et sa pèlerine gracieusement posée sur ses épaules, elle enfila ses chaussures et passa une petite sacoche de cuir usé d'un brun qui avait bien vieilli en bandoulière autour de son corps fragile. Une souris grimpa dans le panier d'osier noué à sa queue, comme d'accoutumée, et Nazrin sortit silencieusement de la maisonnée pour rejoindre le village.
La quiétude du voyage acheva de la réveiller en douceur, alors qu'elle se préparait à affronter la foule du marché. Et effectivement, comme à chaque fois, les humains s'agitaient dans tous les sens autour des étals. La petite youkai se faufilait habilement entre eux, évitant les groupes au dernier instant comme elle évitait le danmaku, remplissant son petit panier avec efficacité. Dans sa main gauche bien serrée, une liste griffonnée rapidement la veille au soir, alors qu'elle venait tout juste de rentrer avec la satisfaction du travail bien fait et la fatigue qui l'accompagne.
Les humains toléraient plutôt bien sa présence désormais, comme pour la plupart des youkai inoffensifs. Bien que blessée dans son amour-propre d'être ainsi mise au rabais, elle venait toujours chaque semaine faire ses emplettes avec assiduité.

Pommes, pain, quelques légumes... Elle rangeait la nourriture dans sa sacoche et pas dans le panier, pour éviter de ne plus rien avoir à se mettre sous la dent une fois rentrée chez elle.
Son nez fin commença à palpiter, instinctivement, caressé par des odeurs agréables... de fromage. Un peu plus loin, en contrebas, elle repéra un étal tenu par une vieille femme. Il y avait longtemps que son palais n'avait pas pu savourer un morceau de cantal ou de gruyère, la tentation était si forte... La petite souris, prudente sur son apparence, examina furtivement les alentours, le regard à la recherche d'une figure qu'elle aurait pu connaître. Personne. Elle jeta un œil par derrière son épaule ; sa compagne, toujours installée dans le panier d'osier, s'agitait dans tous les sens.

Pas le choix...

Elle descendit la rue toujours surpeuplée.
Avec ses dernières pièces, elle acheta à la vieille femme souriante un morceau de cantal qu'elle partagea avec l'autre rongeur.
Ses mains, fébriles d'une excitation qu'elle aurait préféré cacher, s'agitèrent maladroitement et firent tomber le précieux fromage, qui roula se loger un peu plus loin. La souris gourmande sauta du panier, et Nazrin comprit dans un soupir qu'il lui faudrait encore attendre avant d'avoir quelque chose à se mettre sous la dent.

Mais le rongeur ne revenait pas.

La petite youkai se pencha alors sur le côté. Ses yeux tombèrent sur une petite créature, haute comme une souris, aux apparences de fillette. Elle portait un kimono rose ornementé et une sorte de bol sur la tête. En face d'elle, la souris se remplissait la panse de fromage, ses petites prunelles noires pleines de curiosité face à un être de la même taille qu'elle et pourtant si différent.
La fillette semblait pleurer, laissant échapper de discret sanglots de son petit corps secoué.
Nazrin se pencha, laissant la souris remonter dans son panier, et s'adressa à la petite fille en larmes.
Etait-ce le fait de voir une petite créature en détresse, lui rappelant ses compagnes souris ? Peu importe, elle se sentait pleine de compassion à son égard.

"Qu'avons-nous là... Il y a un soucis ?"

"Qu'avons nous là... il y a un soucis ?"

Shinmyoumaru, le visage baigné par les larmes, leva doucement sa tête et aperçu une petite créature aux yeux ébène qui l'examinait, comme si Shinmyoumaru était apparenté à un "déjà vu". La petite Kobito s'essuya le visage avec sa manche et aperçu, du coin de l'oeil, un être qui ressemblait énormément à la petite créature qui se tenait devant elle, mais elle était beaucoup plus grande et beaucoup moins poilu. Celle-ci avait des oreilles et une queue similaires à sa minuscule partenaire, mais elle se tenait debout et avait tout l'air d'être un être "normal".

Shinmyoumaru ne savais pas quoi faire. La main sur son aiguille, elle hésitait à la sortir afin d'apeurer ses deux adversaire, mais elle se résigna et fini par se dire que ces deux créatures devait connaître Reimu et encore, savoir comment revenir au Temple.

Elle décida de prendre son courage à deux main et elle se leva d'un bond décidé, elle épousseta son kimono un peu sali par la poussière du stand et aussi par les vas et viens de ces géants, qui semblait se désintéresser des êtres de petites tailles. Ayant fini d'épousseter son kimono elle regarda, ce qui étais pour elle un mi-animal mi-être normal. Shinmyoumaru se tenais debout, droite, et mis ses bonne manière en avant afin de faire bonne impression. Elle tendis son bras devant elle et exclama:

"Vous avez ici, Shinmyoumaru Sukuna, Princesse du Shining Needle Castle. Oui il y a un soucis, je me suis égaré et je recherche le Temple où Mademoiselle Reimu réside. Et vous, qui êtes vous, qu'est-ce que vous êtes, et pouvez-vous m'aider?"

La fillette semblait anxieuse. Nazrin l'observa se relever, la main glissant doucement vers l'espèce de fourreau en tissu accroché à sa ceinture. Que pouvait-il bien contenir ? En temps normal, la souris se serait tout de suite mise sur ses gardes ; mais puisque son interlocutrice n'était pas plus haute que trois pommes, elle ne s'inquiéta pas outre-mesure.
La demoiselle miniature épousseta son kimono et prit la parole, d'une voix portante en dépit de sa petite taille.

"Vous avez ici, Shinmyoumaru Sukuna, Princesse du Shining Needle Castle. Oui il y a un soucis, je me suis égaré et je recherche le Temple où Mademoiselle Reimu réside. Et vous, qui êtes vous, qu'est-ce que vous êtes, et pouvez-vous m'aider?"

Le Shining Needle Castle ? Une princesse ? Nazrin fronça légèrement des sourcils. Elle n'avait encore jamais entendu parler de cela. Elle savait en revanche qu'un incident avait eu lieu assez récemment, grâce à Kogasa ; en effet, la jeune youkai ne cessait de parler de "nouveaux tsukumogami" ces derniers temps, et sa joie de vivre perpétuelle semblait atteindre des sommets. Après avoir envoyé quelques souris en "reconnaissance" au Temple Hakurei, par simple mesure de sécurité -selon elle-, elle en avait déduit que quelque chose s'était bel et bien produit. Mais sa curiosité s'arrêtait là. Le reste ne la concernait pas.
Cela devait sûrement être lié.

Observant toujours la princesse de ses yeux alizarine, Nazrin prit à son tour la parole, avec la politesse et la franchise qui lui étaient habituelles -se présenter était la moindre des choses.

"Ravie de vous rencontrer, Mademoiselle Sukuna. C'est bien la première fois que je tombe sur une princesse cachée sous un étal à fromage..."

Peut-être cette remarque était-elle de trop ? La souris ne tenait pas spécialement à blesser la fillette, mais d'un autre côté, mentir ne lui apporterait rien. La surprise n'était pas des moindres.

"Je me nomme Nazrin, et je sers Lord Bishamonten au Temple Myouren. Peut-être en avez-vous entendu parler ?"

Elle passa furtivement la main dans sa chevelure grise avant d'ajouter :
"Je m'occupe aussi de retrouver les objets perdus, quand le temps et les conditions le permettent. Il va de soit que je connais plutôt bien cet endroit."

La souricette s'arrêta un instant. La princesse cherchait à se rendre au Temple Hakurei... Bien qu'elle soit relativement éloignée de tout Gensokyo, rejoindre la demeure de la prêtresse depuis le village n'était pas si long, au final. Quinze, vingt minutes tout au plus ?

Mais avec des pattes aussi petites... Et puis, réussir à quitter le Village humain au moment du marché, qui plus est... Cela relèverait du miracle qu'elle s'en sorte en un seul morceau.

Elle parcourut dans sa mémoire les innombrables fois où elle avait du chercher et récupérer elle même, toutes les souris qui s'étaient cachées sous les étals, derrière les poubelles ou dans les ruelles, à cause du va-et-vient incessant de ces stupides humains pressés.

"Je peux vous aider à sortir du Village et vous raccompagner jusqu'à la limite du Temple, si vous le souhaitez. Je ne pourrai en revanche pas vous mener plus loin, car d'autres choses m'appelle et je ne pourrai me permettre d'arriver en retard, voyez-vous..."

Elle tendit doucement une main vers la fillette, comme elle avait l'habitude de le faire avec les souris qui lui grimpaient habituellement dessus.

"Cela vous intéresse-t-il ?"